ELLE, 10 sept 2001, Gérard Pussey


L’ADIEU À LA MÈRE

II y a plus de vingt ans, Pierrette Fleutiaux connaissait le succès avec des récits imprégnés d’une atmosphère fantastique et d’une densité sombre qui plaisaient à Julio Cortazar. Puis, avec « Métamorphoses de la reine », elle rewritait les contes de Perrault à la manière de Freud. Elle obtenait le Femina, en 1990, avec un gros roman fascinant, « Nous sommes éternels », où elle poursuivait ses prouesses de magicienne du réel : Cette réalité, à laquelle Pierrette Fleutiaux semble toujours s’être appliquée à tordre le cou, la rattrape pour ses 60 ans et son dixième roman.

Cette fois-ci, impossible de biaiser, puisque le sujet de cette poignante autobiographie est celui des derniers mois de la vie de sa propre mère. Une mère, veuve d’enseignant et ex-prof elle même, pour laquelle l’auteur se met en quête de la maison de retraite la moins déprimante possible. Elle va la trouver et le récit passe et repasse alors les plats froids d’une expérience qui est la même pour tous : voir mourir ceux qu’on aime avant de nous perdre nous mêmes.

Dans son superbe Renée Camps (Gallimard), Jean Noël Pancrazi assistait, impuissant, à la fin de sa mère. Pierrette, elle, lutte pour que la retraite de la sienne n’ait pas l’air d’une débâcle :

Vous croyez que c’est facile, vous, de tenir en ordre un tas de vieux os qui ne demandent qu’à foutre le camp ? »

Elle incline la vieille femme à plus de coquetterie afin qu’ « elle tienne son rang »  au réfectoire. Chaque obstacle vaincu sur le parcours de la vieillesse est une dérisoire victoire sur le temps qui reste. Car la fin, hélas, on la connaît, toujours la même.   » Des phrases courtes, ma chérie «  , lui conseillait sa mère lorsque Pierrette Fleutiaux s’est mise à écrire.

Ses phrases, aujourd’hui, ne sont pas seulement courtes : elles sonnent terriblement juste.

Gérard Pussey, Elle (10 sept 2001).