Spectacle du Monde, sept 2005, article de R.G


Raphaël a neuf ans, lorsque son chemin croise pour la première fois celui des jumeaux, Léo et Camille. Lui a passé toute son enfance à Bourgneuf, dans la France profonde ; eux ont déjà vécu à New York, à Hong Kong, à Paris. Ils ont six ans, se ressemblent comme deux gouttes d’eau et « ces deux-là cultivent l’art de vous égarer ».

Leur troublante ressemblance, leur singulière volonté de confondre leurs interlocuteurs – « c’est qui le garçon ? », « c’est qui la fille ? » – vont aussitôt exercer une emprise violente sur Raphaël qui, dès l’instant de cette rencontre, va être « subjugué, lié à eux, prisonnier d’eux ». Au bout de quelques mois, les jumeaux s’en vont et Raphaël ne les retrouvera que quelques années plus tard ; ils ont alors treize ans et la même fascination renaît avant une nouvelle séparation.

Une troisième rencontre aura lieu, à Paris, cette fois, Raphaël a dix neuf ans, les jumeaux en ont seize. Les liens entre les jeunes gens se resserrent en même temps qu’une relation ambiguë et dangereuse s’installe entre eux : Raphaël va devenir leur scribe et le témoin de leurs jeux interdits, couchant sur le papier leurs histoires amoureuses éphémères et leur désir de se perdre, eux et les autres. Avant que l’arrivée d’Anne ne vienne jeter le trouble dans ce triangle amoureux imparfait.

Après le magnifique « Des phrases courtes, ma chérie » Pierrette Fleutiaux prouve une nouvelle fois combien elle est un auteur remarquable avec ce roman déroutant, empreint de fantastique, où l’on assiste, à travers la narration de Raphaël et dans une sorte de torpeur sensuelle et inquiétante, à son ensorcellement par des jumeaux chevillés à leur innocence perverse et leur unicité dévorante.

R.G, Spectacle du Monde, (septembre 2005).