Le narrateur du dernier roman de Pierrette Fleutiaux, Raphaël, souffre d’apnée, de rupture dans le souffle, alors qu’il éprouve « le temps comme une matière large, profonde sans reflet ». Le récit qu’il tisse pour rassembler les fils de son histoire s’attache ainsi à rendre compte de l’ampleur de « tant d’années où [Léo, Camille et lui même se sont] occupés à naître ».
Ces trois personnages ont fait connaissance dans l’enfance, et l’étrange relation entre les jumeaux de la riche famille Desfontaines et le fils d’une technicienne de surface intrigue le juge, l’avocat, le psychiatre, et l’éducateur chargés d’élucider les circonstances de la mort de la jeune Anne, que Raphaël rencontra dans un dojo. Suivant l’exemple de Natacha, romancière croisée à une réunion d’écrivains à Bamako, Raphaël se reconstruit et parvient à atteindre « le public de l’âme, auquel chacun aspire » en racontant comment Léo et Camille l’ont attiré, obstinément, dans leur histoire, et en relatant toutes les initiations, tour à tour sombres et lumineuses, qui ont fait basculer son adolescence jusqu’aux limites de la délinquance.
Un roman complexe, où la fascination du lecteur renvoie à celle de Raphaël pour Léo et Camille.
Aliette Armel, Le Magazine Littéraire (septembre 2005).