Télérama, 19 septembre 2001 – Christine Ferniot


On voudrait toujours que sa mère vieillisse avec élégance et discrétion. Qu’elle ressemble à ces mannequins souriant sur les couvertures de magazines destinés au troisième âge : vaguement ridées mais toujours si coquettes. Et puis on se retrouve devant un lit d’hôpital face à un être informe qui gémit et se bat contre la mort. Pierrette Fleutiaux nous raconte ce double visage maternel : d’un côté, la femme qui charme son public avec ses minauderies, prépare son contrat d’obsèques comme elle organisait autrefois le déjeuner du dimanche de l’autre, cette silhouette obscène qui n’est plus qu’un râle régulier, percée de tuyaux et entourée de machines.

La romancière jette tout à trac les instants de douleur et de regret, les moments d’agacement et !es souvenirs d’enfance. Annie Emaux avait découpé, lambeau après lambeau, le naufrage de sa mère, perdue comme un fantôme dans une maison de retraite provinciale ; Pierrette Fleutiaux recompose, elle, avec moins de sévérité et une écriture à fleur de peau le visage de l’absente, retrouvant des instants quotidiens touchants, évoquant sa douleur devant un téléphone qui ne sonnera plus. Son livre est un combat pour garder une image qui s’enfuit déjà. Le lecteur habituel de la nouvelliste souvent fantasque ou fantastique sera dérouté par ce texte aussi déchirant que libérateur.

Christine Ferniot, Télérama (19 septembre 2001).