La Voix du Nord, 7 septembre 2005


DES PHRASES COURTES POUR MAMAN

Entrer, avec dignité, en maison de retraite
Pierrette Fleutiaux : des  » phrases courtes  » pour maman

On est loin du portrait de la mère. Pierrette Fleutiaux, romancière et nouvelliste, entrouvre il est vrai son album de famille mais elle ne raconte pas sa vie, elle nous fait un signe. L’adulte est un enfant qui parfois s’ignore. II oublie. Et la vieillesse de ses parents vient le lui rappeler. Tout petit enfant il redeviendra, désarmé, ému, coupable. Ainsi on proférera de judicieux conseils à une amie qui constate que sa mère ne peut plus vivre seule. II existe des institutions, mais oui, d’excellente tenue… Etc.

Puis viendra le jour où l’autonomie de son propre parent n’est plus évidente. On sera là pour lui apprendre la nouvelle de son prochain  « placement. » Là quand il organisera, tête haute, son déménagement et le partage de ses meubles. Là quand il embrassera d’un regard perdu ce nouveau lieu, sa dernière chambre. Là pour constater la peau qui se fripe, (appétit qui se perd, la mémoire qui flanche, les larmes qui viennent trop vite, les petits chantages et les grandes menaces.

Pierrette Fleutiaux raconte…

Comme dans un journal intime qui aurait perdu ses dates, ses repères et ses lieux : sa narratrice, c’est la fille qui vient en visite. Amène chez le coiffeur, achète une robe neuve, conduit à sa promenade. Son héroïne, c’est sans doute sa mère.

Je ne sais pas écrire un témoignage. Un témoignage, c’est la vie de tout un chacun copiée au plus près. » 

On le frôle pourtant. On touche du doigt la confidence. On accepte le partage.

Je voudrais que ma mère vieillisse sans vieillir, qu’elle, vieillisse comme dans les magazines, ou les images l’auteur au tant que la finesse de sa plume. »

Ainsi parle-t-elle de la touche de rouge à lèvres sur une bouche flétrie :  « Un tel effort, la façade, dans la vieillesse. Un tel immense effort, la simple décence, dans l’extrême vieillesse. Je ne laisserai personne se moquer. » en filigrane se dessine le portrait d’une vieille dame digne.

Elle vous sortait une vérité, parfaitement moulée, sans l’aide d’aucun livre, comme elle le faisait avec les flans ou les brioches qu’elle nous préparait à la grande époque, de sa vie de mère de famille. » 

Mais ce livre est aussi un miroir sans ornement, simplement beau des tourments filiaux. Libre au lecteur de détourner le regard pour ne garder que l’œuvre de littérature.